Publié le 22 mai 2023

Face aux taux mondiaux de chômage et de sous-emploi élevés, aux inégalités persistants dans le monde du travail, aux pénuries en matière de compétences, l’Organisation internationale du Travail reconnait que la promotion et le développement d’apprentissages de qualité peuvent ouvrir de nouvelles perspectives en matière de travail décent.

Après une consultation de ses membres – gouvernements et organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives – le texte d’un projet de recommandation concernant des apprentissages de qualité a été préparé. Ce texte sera discuté et normalement adopté par la Conférence internationale de Travail cette année – 2023 – en juin.

D’abord, il faut expliquer qu’une recommandation de l’OIT, comme pour l’Union Européenne d‘ailleurs, est un point de référence fort politiquement – mais, un acte non contraignant par lequel l’OIT entend atteindre certains objectifs sans imposer de cadre juridique obligatoire.

Quels sont les points clés du texte proposé ?

Définitions

La définition est détaillée.

Le terme apprentissage devrait s’entendre de toute forme d’enseignement et de formation régie par un contrat d’apprentissage qui permet à un apprenti d’acquérir les compétences requises pour exercer une profession grâce à une formation structurée et assortie d’une rémunération ou d’une autre forme d’indemnité financière, en milieu de travail et hors milieu de travail, et débouchant sur un certificat reconnu.

La recommandation s’applique aux apprentissages effectués dans toutes les entreprises et tous les secteurs d’activité économique – y compris le service public.

Cadre réglementaire pour des apprentissages de qualité

Des cadres réglementaires, ainsi que des systèmes ou des cadres de qualifications qui facilitent la reconnaissance des compétences acquises par le biais des apprentissages devraient être établis.

Un point déterminant pour le monde du travail. Les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs devraient être associées à la conception, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des systèmes, des politiques, des programmes et des cadres en matière d’apprentissages de qualité.

Les autorités compétentes devraient avoir des responsabilités clairement définies, devraient être financées de manière adéquate et devraient travailler en étroite collaboration avec les autres autorités ou institutions chargées de règlementer ou d’assurer l’éducation et la formation, l’inspection du travail, la protection sociale, la sécurité et la santé au travail et les services de l’emploi publics et privés.

Un autre point déterminant pour le monde du travail.  Une procédure, à laquelle prendraient part les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, devrait être proposée pour déterminer si un métier qualifié ou une profession se prête à des apprentissages de qualité.

Des normes par profession ou des normes générales devraient établies pour des apprentissages de qualité, d’une façon détaillée, en ce qui concerne notamment :

  • l’âge minimum d’admission ;
  • les mesures de sécurité et de santé au travail ;
  • les certificats ou diplômes, le niveau d’études ou les connaissances préalablement acquises exigées ;
  • la nécessité de faire superviser les apprentis par du personnel qualifié et la nature de la supervision requise ;
  • le bon équilibre entre le nombre d’apprentis et le nombre de travailleurs sur le lieu de travail ;
  • les durées minimale et maximale prévues de l’apprentissage ;
  • les objectifs et les référentiels de formation, en fonction des compétences professionnelles requises, des besoins des apprentis en matière d’enseignement et de formation et des besoins du marché du travail ;
  • le bon équilibre entre la formation hors milieu de travail et la formation en milieu de travail ;
  • l’accès à des services d’orientation professionnelle et de conseil en matière de carrière ;
  • les qualifications et expériences les enseignants et les formateurs en entreprise devraient avoir ;
  • le bon équilibre entre le nombre d’apprentis et le nombre d’enseignants ;
  • les procédures d’évaluation et de certification des compétences acquises ;
  • le certificat attestant la réussite de l’apprentissage.

De plus, des mesures détaillées devraient être prises pour assurer que les apprentis :

  • reçoivent une rémunération ou une autre forme d’indemnité financière adéquates qui pourront être augmentées au fil des différentes étapes de l’apprentissage, compte tenu des compétences professionnelles acquises ;
  • ne soient pas tenus de travailler au-delà du nombre d’heures maximum fixé par la législation nationale et les conventions collectives ;
  • aient droit à des congés assortis d’une rémunération ;
  • aient le droit d’être absents pour cause de maladie ou d’accident tout en recevant une rémunération ;
  • aient accès à un congé de maternité ou de paternité rémunéré ;
  • aient accès à la sécurité sociale et à la protection de la maternité ;
  • bénéficient d’une protection et d’une formation en matière de sécurité et de santé au travail et en matière de discrimination ainsi que de violence et de harcèlement ;
  • aient droit à une indemnisation en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
  • aient accès à un mécanisme efficace de traitement des plaintes et de règlement des différends.

Pour assurer une certaine qualité de la formation, les conditions devraient être définies, concernant la façon dont :

  • les entreprises peuvent offrir des apprentissages ;
  • les établissements d’enseignement et de formation peuvent dispenser une formation hors milieu de travail ;
  • les intermédiaires peuvent aider à offrir, coordonner ou soutenir des apprentissages.

Contrat d’apprentissage

Les apprentissages devraient être régis par un contrat écrit conclu entre un apprenti et une entreprise ou une institution publique. Un contrat type d’apprentissage devrait être élaboré à des fins de cohérence, d’uniformité et de conformité.

Un contrat d’apprentissage devrait :

  • définir clairement les rôles, droits et obligations respectifs des parties ;
  • contenir des dispositions en ce qui concerne la durée de l’apprentissage, la rémunération ainsi que la fréquence à laquelle celle-ci sera versée, les heures de travail, les temps de repos, les pauses, les vacances et autres congés, la sécurité et la santé au travail et la sécurité sociale ;
  • indiquer les compétences, les certificats ou les qualifications visées et l’accompagnement pédagogique complémentaire qui pourra être fourni ;
  • être enregistré selon les conditions établies par l’autorité compétente ;
  • être signé, au nom de l’apprenti, par l’un des parents, le tuteur ou le représentant légal.

Égalité et diversité dans les apprentissages de qualité

Des mesures effectives devraient être prises en vue de :

  • prévenir la discrimination ainsi que la violence et le harcèlement à l’égard des apprentis ;
  • promouvoir l’égalité et l’équilibre des genres dans les apprentissages, y compris en matière d’accès.

Promotion des apprentissages de qualité

En consultation avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, des mesures devraient être prises pour créer un environnement favorable à la promotion des apprentissages de qualité, consistant, entre autres, à :

  • élaborer et mettre en œuvre des stratégies, définir des objectifs nationaux et allouer des ressources adéquates pour des apprentissages de qualité ;
  • intégrer les apprentissages de qualité dans les stratégies nationales de développement et dans les politiques concernant l’emploi, l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie ;
  • mettre en place des organismes sur les compétences, par secteur ou par profession, en vue de faciliter la mise en œuvre d’apprentissages de qualité ;
  • mettre en place des mécanismes fiables pour évaluer les besoins de compétences, actuels et futurs mettre en œuvre des modèles de financement efficaces et durables ;
  • offrir des mesures d’incitation et des services d’appui ;
  • mener, à intervalles réguliers, des activités de sensibilisation et des campagnes de promotion propres à améliorer l’image et l’attractivité des apprentissages de qualité ;
  • mettre en place des programmes de pré-apprentissage fondés sur les besoins qui auront en particulier pour objet d’accroitre la participation des groupes défavorisés.

Coopération internationale, régionale et nationale pour des apprentissages de qualité

Des mesures devraient être prises pour :

  • renforcer la coopération internationale, régionale et nationale et échanger des informations sur les bonnes pratiques en ce qui concerne tous les aspects des apprentissages de qualité ;
  • promouvoir la reconnaissance à l’échelle nationale, régionale et internationale des certificats obtenus à l’issue d’un apprentissage.

Auteur

Jeff Bridgford
Visiting Senior Research Fellow at King’s College London