Publié le 29 novembre 2022

Le Luxembourg fait actuellement face à un manque de main d’œuvre qualifiée. Le nombre de postes vacants publiés par l’ADEM augmentent de mois en mois. La reprise économique et le manque de main d’œuvre récurrent depuis plusieurs années expliquent ce fait. L’accès effectif à la formation reste un défi important pour soutenir les salaries et les demandeurs d’emploi dans un marché du travail en mutation permanente.

Plus précisément, pour la Chambre des salariés (CSL), une main-d’œuvre qualifiée constitue l’un des principaux atouts du modèle social et économique luxembourgeois. La formation continue contribue à favoriser la croissance économique et à augmenter la productivité et les salaires.

Or, notre chambre professionnelle est préoccupée par le fait que la crise sanitaire et ses conséquences économiques ont contribué à réduire l’accès à la formation, voire à des formations de qualité et inclusives, au sein des entreprises et au-delà pour les personnes peu qualifiées.

L’accès à la formation dépend de nombreux facteurs, dont les moyens financiers directs et indirects, le temps, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le soutien des employeurs et les responsabilités familiales. Ces dernières années ont rendu l’accès à la formation difficile pour tous et ont en sus provoqué pour beaucoup des problèmes de santé mentale qui peuvent réduire la motivation et avoir un impact délétère sur la participation aux formations.

Une montée en compétence et une requalification sont nécessaires et primordiales pour tous ceux qui ont un faible niveau de qualification, de faibles compétences littéraires et numériques et qui risquent que leurs compétences deviennent rapidement obsolètes. Cela signifie que la mise en œuvre de parcours de formation ascendants (Stufenmodell) doit être renforcée dans le cadre du « Skillsdësch », élaboré en concertation avec l’OCDE, avec un budget national subséquent, ciblé et durable.

Nous louons le Gouvernement d’avoir pris l’initiative d’organiser le « Skillsdësch », mais nous regrettons profondément que les propositions des partenaires sociaux, en particulier les propositions des syndicats n’aient été prises en compte à aucun moment des travaux, que ce soit au niveau du « Skillsdësch », du Comité permanent du travail et de l’emploi ou autre. Dans ce contexte nous invitons le lecteur à consulter les propositions dont question en matière de formation professionnelle continue.

Le « Skillsdësch » devrait surtout miser sur la mise en œuvre du pilier européen des droits sociaux pour soutenir le nombre croissant d’adultes qui ont besoin d’une formation et d’une requalification aussi bien en matière de savoir-faire de base que de savoir-faire professionnels. L’objectif ultime de la mise en œuvre des parcours de montée en compétence doit être d’aider ces adultes à accéder à des emplois de qualité et équitables et de leur assurer une « sécurisation » sur le marché du travail.

La CSL demande un soutien renforcé au Gouvernement pour que les personnes dont question puissent obtenir des qualifications complètes, des qualifications référencées sur le Cadre luxembourgeois des qualifications. L’affirmation selon laquelle des modules/unités de formation ou encore les micro-certificats (microcredentials), en vogue actuellement, constituent un moyen flexible d’actualiser les compétences et qu’ils facilitent l’upskilling ou le reskilling n’a nullement été scientifiquement prouvée. Au contraire, de telles initiatives risquent de contourner le système éducatif formel. La CSL ne peut qu’adhérer aux micro-certificats lorsqu’ils sont complémentaires aux qualifications complètes, quand leur qualité est garantie et certifiée et lorsqu’ils jouent un rôle dans la validation des acquis de l’expérience. Par ailleurs, les micro-certificats doivent reposer sur des normes relatives au mode de délivrance, à la procédure d’évaluation et à la durée et préciser la manière dont ils sont liés aux qualifications complètes.

La CSL est convaincue que des stratégies efficaces d’upskilling et de reskilling sont essentielles pour combattre la pauvreté et la discrimination. Un soutien efficace devrait être apporté non seulement aux salariés peu qualifiés et aux demandeurs d’emploi, mais une attention particulière devrait également être accordée aux travailleurs de plateformes numériques afin de les aider à accéder plus facilement à la formation continue grâce à des régimes contributifs, sans faire peser l’ensemble des coûts sur leurs épaules. Dans ce contexte nous renvoyons le lecteur à la proposition de loi élaboré par la CSL (Plateformes numériques – Une loi pour tout changer ! – Chambre des salariés – CSL). Une protection sociale correcte va de pair avec des droits en termes d’éducation et de formation.

Il est essentiel que les futures stratégies et actions nationales établissent un lien entre la mise en œuvre des « Upskilling Pathways » et la garantie du droit de tous les adultes à une formation et un apprentissage tout au long de la vie de qualité et inclusifs. Elles trouveront l’appui certain de notre chambre professionnelle.

A contrario, toute absence d’implication des représentants salariaux dans les décisions relatives à une soi-disant mise en œuvre d’actions et de parcours de montée en compétence des salariés au sein des entreprises, comme préconisé par le projet « Skills-Plang » ne peut trouver l’accord de la CSL. La version actuelle dudit projet conçue en vase clos par le Ministère du travail, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire en collaboration avec l’Agence pour le développement de l’emploi, ne respecte nullement le principe de la cogestion en ce qui concerne la formation continue au sein des entreprises.

Aux yeux de la CSL, le dialogue social est l’instrument essentiel pour mettre en place des actions efficaces et durables pour atteindre les objectifs d’upskilling et de reskilling prônés au niveau européen dans le contexte de l’Année européenne des compétences 2023, dont notamment :

  • en promouvant des investissement accrus, plus efficaces et plus inclusifs, dans la formation et d’aider les personnes à passer d’un emploi à l’autre ;
  • en veillant à ce que les compétences soient adaptées aux besoins du marché du travail, en coopération avec les partenaires sociaux et les entreprises ;
  • en mettant en adéquation les aspirations et les compétences des citoyens avec les possibilités offertes sur le marché du travail, en particulier en ce qui concerne la transition écologique et numérique et la reprise économique.

La politique de formation professionnelle continue constitue donc aussi bien au niveau européen, qu’au niveau national, une responsabilité sociale et économique dans laquelle les services publics en charge de la formation et de l’emploi (MENJE, MESR, MTEES, ADEM…) et les représentants salariaux et patronaux devront jouer, dans l’intérêt de tout un chacun, un rôle actif au sein d’un partenariat équilibré d’égal à égal.

Tel n’est malheureusement pas le cas à l’heure actuelle au Luxembourg !