L’idée de créer des Chambres professionnelles remonte au 18e siècle. Au 19e siècle, les Chambres de commerce surgissent.

En face des expériences étrangères et après plusieurs essais au début de notre siècle, la loi portant création de cinq Chambres professionnelles est finalement votée en 1924.

18e siècle : La naissance d’une idée

L’idée de l’institution de Chambres professionnelles remonte au 18e siècle, où de tels organismes sont créés afin d’assembler les forces de l’industrie et du commerce au moment de la première grande éclosion du commerce international. C’est notamment en France et en Angleterre que sont instituées des Chambres de commerce, qui reposent cependant sur des initiatives privées et par conséquent ne sont pas engagées dans les rouages de l’appareil législatif.

19e siècle : L’émergence d’institution représentant les salariés

Ce n’est qu’au 19e siècle que les Chambres de commerce reçoivent un statut juridique en France. L’exemple français est imité par d’autres pays, notamment l’Autriche.

L’idée de créer également des Chambres professionnelles pour les salariés est beaucoup plus tardive.

Ce n’est que vers la fin du 19e siècle qu’on peut noter la création, dans plusieurs pays, d’institutions présentant plus ou moins de ressemblances avec les Chambres professionnelles luxembourgeoises actuelles.

Le 15 août 1887, le législateur belge crée les « Conseils de l’industrie et de travail ». Ces conseils sont composés paritairement de représentants ouvriers et de représentants employeurs.

Les « Kamers van Arbeid », instituées aux Pays-Bas par la loi du 2 mai 1897, sont composées paritairement à l’instar de l’exemple belge. Comme en Belgique, les Chambres de travail hollandaises ont pour mission de vider des contestations entre employeurs et salariés ainsi que d’établir des statistiques en rapport avec le marché du travail.

En France sont également créés, par décret du 19 septembre 1900, des conseils du travail, composés paritairement et fonctionnant dans les différents secteurs de l’économie.

Les Chambres de travail italiennes (camera del lavoro) et suisses – Zurich et Genève – sont des représentations composées exclusivement de salariés. Cependant, ces Chambres ne reposent pas sur une base légale, mais sont créées par les organisations syndicales pour s’occuper surtout du placement de la main-d’œuvre.

Début des années 20 : Les expériences étrangères de « Chambres »

En Autriche, des Chambres de travail sont légalement créées par la loi du 26 février 1920. Elles fonctionnent sur base régionale, en ce sens que dans chaque « Bundesland » autrichien une telle Chambre est créée.

Ces Chambres régionales sont coiffées par un organe national appelé aujourd’hui « Bundeskammer für Arbeiter und Angestellte ».

En Allemagne, l’idée de la création d’« Arbeitskammern », composées paritairement de représentants patronaux et ouvriers, est également mise en avant. Le caractère paritaire de ces Chambres est néanmoins rapidement contesté par les représentants des ouvriers avec pour résultat que la création de Chambres professionnelles au niveau national ne connaît jamais une réalisation concrète.

Au niveau des « Länder » par contre, des Chambres non paritaires, mais distinctes pour les employés et pour les ouvriers sont créées à Brême en 1921, et une Chambre unique pour les employés et les ouvriers en Sarre, en 1925.

Les antécédents au Luxembourg

L’idée de l’institution de Chambres professionnelles des salariés dans notre pays est inspirée des exemples étrangers et de l’expérience de la Chambre de commerce établie depuis 1841.

Le point de départ de la réalisation est marqué, d’une part, par l’arrêté ministériel du 29 décembre 1917 concernant la création d’une commission spéciale pour la sauvegarde des intérêts des employés privés, et, d’autre part, par la création en date du 29 janvier 1918 d’un comité extraordinaire appelé « Sonderausschuß für Vertretung von Arbeiterinteressen ».

1917 : Commission pour les employés privés

La commission spéciale pour la sauvegarde des intérêts des employés privés est instituée en vue de l’étude des problèmes vitaux intéressant les employés privés. Elle revêt un caractère purement consultatif. Son champ d’action embrasse tous les problèmes d’ordre économique, légal et social se rattachant aux employés privés. La commission est appelée à donner son avis et à formuler des propositions sur toutes les questions rentrant dans le domaine de ses attributions, soit à l’instigation des pouvoirs publics, soit en agissant de sa propre initiative.

1918 : Comité pour les ouvriers

Le comité extraordinaire pour la sauvegarde des intérêts des ouvriers, créé le 29 janvier 1918, est composé de militants des syndicats libres et d’organisations ouvrières chrétiennes. Sa mission est identique à celle attribuée à la commission spéciale pour la sauvegarde des intérêts des employés privés.

Dans sa séance du 20 avril 1918, le « Sonderausschuß » des ouvriers réclame l’institution d’une Chambre de travail à base élective. Lors d’une réunion commune des deux comités en date du 27 avril 1918, les ouvriers et les employés privés reprennent la revendication des employés privés exigeant l’institution de Chambres professionnelles à base élective.

Au cours de l’année 1918, le comité extraordinaire pour la sauvegarde des intérêts des ouvriers s’attache à élaborer un avant-projet de création d’une Chambre de travail qui sert de base de discussions au congrès ouvrier du 30 juin 1918 où toutes les directions et tendances syndicales sont représentées et où l’institution d’une Chambre de Travail est revendiquée.

1920 : Une loi qui reste lettre morte

Le 26 novembre 1919, Monsieur le Député Nicolas Jacoby (parti de droite) dépose une proposition de loi ayant pour objet la création d’une Chambre de travail à base élective.

D’après l’exposé des motifs, cette Chambre est appelée à être le porte-parole des ouvriers pour faire valoir leurs revendications dans quelque domaine que ce soit.

La mission de la Chambre de travail est de conseiller et de sensibiliser la Chambre des députés pour toutes les questions concernant les intérêts économiques, politiques et sociaux des ouvriers luxembourgeois. Elle a également pour objet de féconder l’activité des institutions vouées à l’amélioration du sort des ouvriers, l’élaboration et la surveillance des contrats de travail, de rendre des avis, de poursuivre des litiges et d’ordonner des études statistiques.

Pour tous les projets de loi importants touchant la situation du travailleur, l’avis de la Chambre de travail doit obligatoirement être pris et elle a le droit de faire des propositions au Gouvernement que ce dernier est obligé d’étudier et de soumettre à la Chambre des députés.

La proposition de loi Jacoby, quoique basée sur un document élaboré par la commission extraordinaire pour la sauvegarde des intérêts des ouvriers, ne trouve pas un large écho dans les rangs de l’opposition socialiste. Cette dernière propose la mise en oeuvre d’un conseil du travail formé de tous les délégués des conseils ouvriers qui doit se composer de deux sections : une section formée par les délégués des ouvriers industriels et une section formée par les délégués des conseils ouvriers régionaux.

La majorité n’étant pas prête à accepter ces revendications, le projet de loi est néanmoins adopté par 23 voix contre 8 et 3 abstentions et dispensé du second vote constitutionnel.

Le texte voté est publié au Mémorial sous la forme de la loi du 28 juin 1920 portant création d’une Chambre de travail à base élective. Pour des raisons diverses, mais tenant surtout à des difficultés d’établissement des listes électorales, cette loi n’est pas mise en application.

1924 : La loi portant création des Chambres professionnelles

Le 10 janvier 1922, la Chambre des députés aborde l’étude d’un projet de loi qui en fait est la fusion de plusieurs propositions de loi.

Parmi celles-ci, on peut citer :

  • la proposition Léon Metzler du 28 novembre 1902 tendant à la réforme de la Chambre de commerce ;
  • la proposition Eugène Dondelinger du 21 mars 1920 ayant pour but la création d’une Chambre d’artisans et d’une Chambre de détaillants ;
  • la loi du 28 juin 1920 portant création d’une Chambre de travail à base élective.

Entre 1920 et 1924, le projet portant création de Chambres professionnelles connaît plusieurs rebondissements. Il est notamment discuté à la Chambre des députés le 26 janvier 1922 avec pour résultat que le projet est renvoyé au Conseil d’Etat.

La discussion à la Chambre des députés reprend les 26 et 27 avril 1923. Le texte adopté le 27 avril 1923 est néanmoins renvoyé au Conseil d’Etat qui s’oppose à la création d’une Chambre professionnelle pour les fonctionnaires de l’Etat contrairement à l’opinion de la majorité des députés.

Finalement, le projet de loi est adopté le 13 mars 1924 avec 24 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions. La loi est publiée au Mémorial sous la forme de la loi du 4 avril 1924 portant création de Chambres professionnelles à base élective.

La conception sociale, qui inspire le législateur de 1924 en matière de Chambres professionnelles, est basée sur cinq lignes directrices :

  • la structure dualiste de l’organisation professionnelle ;
  • l’autonomie des Chambres professionnelles ;
  • la concentration des Chambres professionnelles ;
  • l’égalité devant la loi des représentants des diverses branches de l’activité nationale ;
  • le caractère consultatif des Chambres professionnelles.

La loi du 4 avril 1924 crée du côté des salariés, la Chambre de travail, représentant les ouvriers et la Chambre des employés privés, représentant les employés privés.

Jusqu’en 2008 : cinq, puis six Chambres professionnelles

Pour éviter la création d’un nombre trop important de Chambres professionnelles qui se caractériseraient par un nombre restreint de ressortissants et dont les moyens seraient forcément limités, le législateur de 1924 s’est borné à l’institution légale de cinq Chambres professionnelles, à savoir :

  • la Chambre d’agriculture ;
  • la Chambre des artisans (devenue « Chambre des métiers » en 1945) ;
  • la Chambre de commerce ;
  • la Chambre des employés privés ;
  • la Chambre de travail.

En 1964, la Chambre des fonctionnaires et des employés publics porte le nombre des Chambres à six.

2008 : La loi portant création de la Chambre des salariés

Suite à des discussions tripartites, clôturées par un accord en avril 2006, le Gouvernement et les partenaires sociaux se sont mis d’accord pour faire converger le statut des ouvriers et des employés privés en vue de réaliser un statut unique de tous les salariés ayant un statut de droit privé.

Le 13 mai 2008, la Chambre des députés vote le projet de loi portant création d’un statut unique pour les salariés ayant un statut de droit privé et fusion de la Chambre des employés privés et de la Chambre de travail en Chambre des salariés.

L’introduction d’un statut unique pour tous ces salariés constitue une réforme structurelle majeure palliant les clivages entre groupes socioprofessionnels existant dans notre droit social et mettent fin aux distinctions surannées entre ouvriers et employés privés.

Les retraités ayant un statut de droit privé sont désormais aussi représentés auprès de la Chambre des salariés.

En mettant fin aux distinctions surannées entre ouvriers et employés privés, le statut unique donnera lieu à un Code du travail applicable uniformément à tous les salariés de droit privé.

Depuis lors il n’existe plus que cinq Chambres professionnelles :

  • la Chambre d’agriculture ;
  • la Chambre des métiers ;
  • la Chambre de commerce ;
  • la Chambre des salariés ;
  • la Chambre des fonctionnaires et employés publics.

Les Chambres et les syndicats

La représentation professionnelle luxembourgeoise se caractérise par la coexistence d’une représentation libre – les organisations syndicales – et d’une représentation obligatoire – les Chambres professionnelles.

L’affiliation à une organisation syndicale est libre conformément à l’article 11 de la Constitution. Sont considérés comme organisations syndicales, tous groupements pourvus d’une organisation interne et ayant pour but la défense des intérêts professionnels et la représentation de leurs membres ainsi que l’amélioration de leurs conditions d’existence.

La caractéristique des Chambres professionnelles réside dans le fait que tous les membres d’une catégorie socioprofessionnelle sont obligatoirement affiliés à une Chambre professionnelle.

Les Chambres professionnelles sont appelées à jouer le rôle d’organe de réflexion et de consultation officielle en étant associées directement à la procédure législative du pays.

Tous les 5 ans les ressortissants de chaque chambre professionnelle procèdent à l’élection de leurs représentants au sein de cette institution.

L’autonomie des Chambres professionnelles

Les Chambres professionnelles jouissent des avantages de la personnification civile même si elles sont placées sous l’autorité du Gouvernement.

De la personnification civile découle que les Chambres professionnelles peuvent acquérir, recevoir, posséder, emprunter, aliéner, ester en justice, en un mot, faire tous les actes et transactions que leur objet comporte, à l’exception des entreprises commerciales ou industrielles.

Elles jouissent également de l’avantage de l’autonomie financière, c’est-à-dire qu’elles ont le droit de percevoir des cotisations et de les affecter au service de leurs ressortissants.

La création des Chambres professionnelles poursuit le but de conférer une forme juridique égale aux représentations professionnelles. Les mêmes règles s’appliquent quant aux élections et aux organes des différentes Chambres patronales et salariales.

Toutefois, en dehors de leurs attributions communes, la loi reconnaît certaines missions spéciales aux différentes Chambres.