La loi du 29 mars 2023 a introduit un dispositif relatif à la protection contre le harcèlement moral à l’occasion des relations de travail dans le Code du travail.
Jusque-là, le seul dispositif couvrant le harcèlement moral était la convention du 25 juin 2009 relative au harcèlement et à la violence au travail signée entre les syndicats OGB-L et LCGB, d’une part, et l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), d’autre part.
La protection introduite est calquée en grande partie sur celle existant en matière de harcèlement sexuel, sauf d’une part une procédure spéciale d’intervention de l’Inspection du travail et des mines (ITM), qui n’existe pas pour le harcèlement sexuel, et d’autre part le principe du renversement de la charge de la preuve applicable en matière de discrimination fondée sur le sexe et donc de harcèlement sexuel, qui n’a pas été repris en faveur de la victime de harcèlement moral malheureusement. Il appartient donc au salarié victime de harcèlement moral de prouver un ensemble de faits dont il a été victime et de convaincre le tribunal que ceux-ci n’étaient pas justifiés par les besoins de l’entreprise mais constituaient des atteintes injustifiées à sa personne.
La définition du harcèlement moral initialement proposée a été remplacée par celle en vigueur dans le secteur public, qui, par son caractère général, permet de prendre en compte les différentes formes que peut revêtir le harcèlement moral au travail.
Un rôle important est alloué à la délégation du personnel dans la prévention et dans la lutte contre le harcèlement moral.
Finalement, sont prévues des sanctions aussi bien administratives que pénales. La convention collective relative au harcèlement moral et à la violence au travail reste applicable et coexiste avec les dispositions légales en matière de harcèlement moral à l’occasion des relations de travail. Toutefois, toute stipulation d’une convention collective qui est contraire aux lois et règlements est nulle à moins qu’elle ne soit plus favorable pour les salariés.
Les stipulations prévues par la convention collective relative au harcèlement moral et à la violence au travail qui sont plus favorables pour les salariés priment donc sur les dispositions légales.
Le harcèlement moral, parfois désigné comme mobbing, est un phénomène difficile à saisir, donc également à définir.
La Convention de 2009 retenait la définition suivante :
Le harcèlement moral se produit lorsqu’une personne relevant de l’entreprise commet envers un travailleur ou un dirigeant des agissements fautifs, répétés et délibérés qui ont pour objet ou pour effet :
soit de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité ;
soit d’altérer ses conditions de travail ou de compromettre son avenir professionnel en créant un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
soit d’altérer sa santé physique ou psychique.
Cette définition est assez restrictive, en ce qu’elle exclut notamment les actes de harcèlement commis par des tiers (p.ex. des clients ou des salariés d’autres entreprises). La jurisprudence a parfois eu recours à d’autres définitions.
Quelles que soient les définitions proposées, elles restent toutes vagues et font appel à des notions subjectives, telles que la dignité ou le caractère humiliant, notions que les parties ou le juge devront apprécier au cas par cas.
Deux points communs peuvent cependant être dégagés de toutes les définitions :
il faut une pluralité d’actes répétés, un acte isolé ne pouvant constituer en soi un harcèlement. En pratique, il s’agit souvent de faits d’une certaine banalité, qui ne sont pas forcément illégaux, mais qui dans leur ensemble deviennent fautifs ;
il faut une atteinte à l’intégrité ou à la dignité du salarié. Le traitement qu’il subit doit dès lors dépasser les sacrifices normaux que tout salarié doit accepter dans son environnement professionnel et il ne doit pas être justifié par les besoins de l’organisation et du fonctionnement de l’entreprise.
La définition du harcèlement moral introduite dans le Code du travail par la loi di 29 mars 2023 est celle en vigueur dans le secteur public, qui, par son caractère général, permet de prendre en compte les différentes formes que peut revêtir le harcèlement moral au travail :
« Constitue un harcèlement moral à l’occasion des relations de travail au sens du présent chapitre, toute conduite qui, par sa répétition, ou sa systématisation, porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne.
Au sens de l’alinéa 1er les voyages professionnels, les formations professionnelles, les communications en lien ou du fait du travail par quelque moyen que ce soit et même en dehors du temps de travail normal, font partie intégrante de l’exécution du travail. »
Comment rapporter la preuve du harcèlement moral ?
En cas de litige, il appartient au salarié qui se dit victime d’un harcèlement moral d’en rapporter la preuve. S’il n’y parvient pas, il sera débouté de ses demandes. Contrairement au harcèlement sexuel ou discriminatoire, la loi luxembourgeoise ne prévoit en effet aucun renversement ni allègement de la charge de la preuve au bénéfice des victimes de harcèlement moral.
Concrètement, le salarié devra établir une pluralité de faits dont il a été victime et convaincre le tribunal que ceux-ci n’étaient pas justifiés par les nécessités de l’entreprise, mais constituaient des attaques injustifiées contre sa personne. Il faut que le salarié prouve ou offre de prouver des faits précis et ciblés, et il ne peut se contenter de formules vagues et générales. Ces preuves peuvent être rapportées par tous moyens, mais en pratique, les témoignages joueront un rôle clef.
Il est souvent conseillé au salarié de tenir au fur et à mesure un rapport détaillé des incidents qu’il subit, de leur contexte et des éventuels témoins. Ce rapport ne constitue pas une preuve en soi, étant donné que le salarié l’a établi lui-même, mais facilitera sa tâche lors d’un éventuel procès, puisqu’il fournit une trame pour administrer les preuves.
(dernière mise à jour au 05.07.2023)
Quelles sont les obligations de l’employeur ?
L’employeur détermine, après information et consultation de la délégation du personnel ou, à défaut, de l’ensemble du personnel, les mesures à prendre pour protéger les salariés contre le harcèlement moral à l’occasion des relations de travail. Ces mesures doivent être déterminées par l’employeur, par exemple sous la forme d’une charte contre le harcèlement, ou d’un point relatif à la lutte contre le harcèlement dans le règlement interne.
Ces mesures, qui doivent être adaptées à la nature des activités et à la taille de l’entreprise, portent au minimum sur :
la définition des moyens mis à la disposition des victimes d’un harcèlement moral, notamment l’accueil, l’aide et l’appui requis aux victimes, les mesures de leur prise en charge et de leur remise au travail ainsi que la manière de s’adresser à la délégation du personnel ;
l’investigation rapide et en toute impartialité sur les faits de harcèlement moral à l’occasion des relations de travail ;
la sensibilisation des salariés et des dirigeants sur la définition du harcèlement moral, ses modes de gestion au sein de l’entreprise et les sanctions contre les auteurs des actes de harcèlement moral ;
l’information de la délégation du personnel ou, à défaut, de l’ensemble du personnel, des obligations incombant à l’employeur dans la prévention des faits de harcèlement moral à l’occasion des relations de travail ;
l’information et la formation des salariés.
Ces mesures ne peuvent en aucun cas être prises au détriment de la victime du harcèlement moral.
Que peut faire un salarié qui s’estime victime de harcèlement moral ?
Lorsqu’un comportement de harcèlement moral à l’occasion des relations de travail est porté à la connaissance de l’employeur, il prend les mesures pour faire cesser immédiatement les actes de harcèlement moral et procède à une évaluation interne qui porte sur l’efficacité des mesures de prévention ainsi que sur la mise en œuvre éventuelle de nouvelles mesures de prévention à prendre notamment par rapport à l’organisation de l’entreprise, à la révision des procédures appliquées en cas de harcèlement moral ainsi qu’à l’information des salariés.
Cette évaluation ainsi que les réévaluations ultérieures se font après consultation de la délégation du personnel ou, à défaut, de l’ensemble du personnel.
Que faire si le harcèlement moral persiste ou si l’employeur ne fait rien ?
Si le harcèlement moral à l’occasion des relations de travail persiste ou si l’employeur s’abstient de prendre les mesures adéquates, le salarié qui s’estime victime ou la délégation du personnel après accord du salarié concerné, peut saisir l’Inspection du travail et des mines (ITM).
L’ITM entend le salarié ainsi que l’auteur présumé de l’acte de harcèlement moral et éventuellement d’autres salariés et l’employeur ou son représentant.
Suite à l’instruction du dossier et aux auditions réalisées, l’ITM dresse un rapport contenant, le cas échéant, des recommandations et des propositions de mesures pour faire cesser les actes de harcèlement moral.
Au plus tard 45 jours après réception du dossier, le directeur de l’ITM ou son représentant transmet le rapport complet à l’employeur concerné.
En présence d’actes de harcèlement moral, le directeur de l’ITM enjoint à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser immédiatement ces actes de harcèlement dans un délai fixé en fonction des éléments du rapport.
En cas de non-respect de l’injonction notifiée dans le délai imparti, le directeur de l’ITM est en droit d’infliger à l’employeur une amende administrative.
Le salarié ne peut faire l’objet de représailles en raison de ses protestations ou refus opposés à un comportement de harcèlement moral de la part de l’employeur ou de tout autre supérieur hiérarchique, de collègues de travail ou de personnes extérieures en relation avec l’employeur.
De même, un salarié ne peut faire l’objet de représailles pour avoir témoigné des faits relatifs au harcèlement moral.
Toute disposition ou tout acte contraire, et notamment tout licenciement en violation de ces dispositions, est nul de plein droit.
En cas de résiliation du contrat de travail, le salarié peut demander dans les 15 jours qui suivent la notification de la résiliation, par simple requête au président de la juridiction du travail qui statue d’urgence, les parties entendues ou dûment convoquées, de constater la nullité du licenciement et d’ordonner son maintien, ou le cas échéant, sa réintégration.
L’ordonnance du président de la juridiction du travail est exécutoire par provision ; elle est susceptible d’appel qui est porté par simple requête, dans les 40 jours à partir de la notification par la voie du greffe, devant le magistrat présidant la chambre de la Cour d’appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail.
Le salarié victime de harcèlement moral peut refuser de poursuivre l’exécution du contrat de travail et résilier le contrat de travail sans préavis pour motif grave avec dommages et intérêts à charge de l’employeur dont la faute a occasionné la résiliation immédiate.
Dans les cas d’une démission motivée par un acte de harcèlement, le demandeur d’emploi peut, par voie de simple requête, demander au président de la juridiction du travail compétente d’autoriser l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité ou le bien-fondé de sa démission. Le président de la juridiction du travail rend une ordonnance susceptible d’appel dans les 40 jours de sa notification devant le Président de la Cour d’appel. Il faut être inscrit comme demandeur d’emploi et avoir préalablement porté le litige concernant sa démission devant la juridiction du travail compétente. Le président de la juridiction du travail détermine la durée pour laquelle l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage est autorisée, dans la limite de 182 jours de calendrier. Le chômeur peut demander la prolongation de l’autorisation d’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage sans que la durée totale de l’autorisation ne puisse excéder trois cent soixante-cinq jours de calendrier. Le jugement ou l’arrêt déclarant justifiée la démission motivée par un acte de harcèlement condamne l’employeur à rembourser au Fonds pour l’emploi les indemnités de chômage par lui versées au salarié pour la ou les périodes couvertes par les salaires ou indemnités que l’employeur est tenu de verser en application du jugement ou de l’arrêt. Le montant des indemnités de chômage que l’employeur est condamné à rembourser au Fonds pour l’emploi est porté en déduction des salaires ou indemnités que l’employeur est condamné à verser au salarié en application du jugement ou de l’arrêt.
ATTENTION : Le jugement ou l’arrêt déclarant non justifiée la démission du salarié motivée par un acte de harcèlement condamne ce dernier à rembourser au Fonds pour l’emploi, le cas échéant de façon échelonnée, tout ou partie des indemnités de chômage lui versées par provision. Le salarié a la possibilité de solliciter une remise partielle ou un échelonnement du remboursement à l’État de l’indemnité de chômage perçue par provision.
Néanmoins, une telle facilité de remboursement doit être expressément demandée par le salarié et le juge ne saurait se substituer à lui pour décider d’office une réduction du montant à rembourser.
Dans les cas où l’action intentée par le salarié en raison d’une démission motivée par un acte de harcèlement, n’est pas menée à son terme par suite de désistement, le salarié est tenu de rembourser au Fonds pour l’emploi les indemnités de chômage lui versées par provision. Si ce désistement résulte d’une transaction entre le salarié et l’employeur, les indemnités de chômage sont à rembourser pour moitié par le salarié et pour l’autre moitié par l’employeur.
La délégation du personnel, s’il en existe, est chargée de veiller à la protection du personnel salarié contre le harcèlement moral à l’occasion des relations de travail. À cet effet, elle peut proposer à l’employeur toute action de prévention qu’elle juge nécessaire. La délégation du personnel est habilitée à assister et à conseiller le salarié qui fait l’objet d’un harcèlement moral. Elle est tenue de respecter la confidentialité des faits dont elle a connaissance à ce titre, sauf à en être dispensée par le salarié concerné. Le salarié qui fait l’objet d’un harcèlement moral a le droit de se faire accompagner et assister par un membre de la délégation du personnel, ou, à défaut d’une personne de son choix choisie entre les membres du personnel dans les entrevues avec l’employeur, ou le représentant de celui-ci, qui ont lieu dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement moral.
En cas d’action judicaire en réparation de la résiliation abusive du contrat de travail et lorsque la juridiction saisie constate qu’il y a usage abusif du droit de résilier le contrat de travail, elle condamne l’employeur à verser au salarié des dommages et intérêts non seulement compte tenu du dommage subi par lui du fait de son licenciement mais également, le cas échéant, de celui subi du fait du harcèlement moral dont il a été victime à l’occasion des relations de travail.
Si la victime a démissionné avec effet immédiat pour faute de l’employeur, elle pourra, outre son préjudice moral, réclamer indemnisation de son préjudice matériel du fait qu’elle a dû quitter son emploi et s’est ainsi retrouvée sans revenus ou avec des revenus amoindris.
À côté de la voie civile, la voie pénale peut être envisagée dans des cas particulièrement graves de harcèlement. Depuis 2009, l’article 442-2 du Code pénal incrimine à titre de harcèlement obsessionnel le fait de harceler de façon répétée une personne alors que l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée. Si le salarié estime être victime de cette infraction, il pourra porter plainte auprès de la police ou initier autrement l’action pénale. Cette action se dirigera contre la personne physique qui a été l’auteur du harcèlement.
l’employeur, le salarié, le client ou le fournisseur de l’entreprise qui commet des actes de harcèlement moral en violation de l’interdiction visée à l’article L. 246-3, paragraphe 1er ;
l’employeur qui omet de prendre les mesures pour faire cesser immédiatement les actes de harcèlement moral en violation de l’article L. 246-3, paragraphe 2 ;
l’employeur qui omet de déterminer les mesures à prendre pour protéger les salariés contre le harcèlement moral au travail en violation de l’article L. 246-3, paragraphe 3 ;
l’employeur qui omet de procéder à une évaluation interne en violation de l’article L. 246-3, paragraphe 4 ;
l’employeur, le supérieur hiérarchique, le collègue de travail ou toute personne extérieure en relation avec l’employeur, notamment le client et le fournisseur de l’entreprise, qui ne respecte pas les interdictions visées à l’article L. 246-4, paragraphes 1er et 2.
En cas de récidive dans un délai de deux ans, ces peines peuvent être portées au double du maximum.
Les règles applicables au secteur public et au secteur privé sont similaires à certains égards.
Pour les fonctionnaires publics, leurs statuts respectifs énoncent des règles protectrices.
Dans le secteur privé, sur incitation des Communautés européennes, le Luxembourg s’est doté en 2000 d’un cadre légal ciblant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.
Il est juridiquement intéressant de relever que la loi assimile explicitement tout harcèlement sexuel à une discrimination fondée sur le sexe. Par conséquent, au-delà des règles sur le harcèlement, la victime pourra également invoquer les dispositions relatives aux discriminations.
Le Code du travail, tout comme le statut des fonctionnaires d’État et celui des fonctionnaires communaux définissent le harcèlement sexuel comme suit :
Constitue un harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail tout comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe dont celui qui s’en rend coupable sait ou devrait savoir qu’il affecte la dignité d’une personne, lorsqu’une des conditions suivantes est remplie :
le comportement est non désiré, intempestif, abusif et blessant pour la personne qui en fait l’objet ;
le fait qu’une personne refuse ou accepte un tel comportement de la part de l’employeur, d’un salarié, d’un client ou d’un fournisseur est utilisé explicitement ou implicitement comme base d’une décision affectant les droits de cette personne en matière de formation professionnelle, d’emploi, de maintien de l’emploi, de promotion, de salaire ou de toute autre décision relative à l’emploi ;
un tel comportement crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant à l’égard de la personne qui en fait l’objet.
Le harcèlement peut être physique, verbal ou non verbal. L’élément intentionnel du comportement est présumé, et ne devra dès lors pas être spécifiquement prouvé par la victime.
Cette définition a recours à de nombreuses notions vagues, telle la dignité ou le caractère blessant, qui en cas de litige devront faire l’objet d’une appréciation subjective par le tribunal.
Contrairement au harcèlement moral, le harcèlement sexuel ne requiert pas une pluralité d’actes. Un seul incident, s’il est suffisamment grave, peut s’analyser en harcèlement sexuel.
Des incidents de moindre gravité par contre ne deviennent généralement harcelants que par leur répétition.
Il se pose la question de savoir s’il faut adopter une approche objective et se baser sur l’attitude d’un salarié moyen ou s’il faut prendre en considération les sensibilités spécifiques de chaque victime. La jurisprudence et le législateur luxembourgeois semblent pencher en faveur d’une approche subjective, chacun étant libre de déterminer quels comportements il veut accepter et quelle conduite il juge inopportune. Cette approche risque cependant de conduire à des abus, si le salarié se clame être une victime qui doit être crue sur parole lorsqu’elle affirme avoir été choquée et blessée. Dans une certaine mesure, une approche objective reste nécessaire. Il n’en reste pas moins que si l’auteur du harcèlement connaissait ces susceptibilités particulières et les cible sciemment par son comportement, un harcèlement sexuel est donné.
Au-delà des collègues de travail, un harcèlement sexuel peut également être le fait de personnes extérieures à l’entreprise, par exemple des clients, des fournisseurs ou des salariés d’autres sociétés qui travaillent sur le même lieu de travail. Dans ce cas, l’employeur assume également la responsabilité de veiller à l’intégrité de son salarié qui est victime d’harcèlement, mais ses moyens d’action envers l’auteur du harcèlement seront plus limités.
Comment rapporter la preuve du harcèlement sexuel ?
Contrairement au harcèlement moral, le harcèlement sexuel est en général plus facile à prouver, puisque la preuve porte sur des incidents concrets, dont le caractère inapproprié est généralement intrinsèque et ne doit pas être déduit d’un contexte général.
Les victimes de harcèlement sexuel bénéficient (grâce au fait qu’elles sont assimilées à des victimes d’une discrimination) d’un allègement de la charge de la preuve. Le Code instaure un partage de la charge de la preuve et oblige la victime dans un premier temps à établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel ; il incombe ensuite à l’autre partie (donc généralement à l’employeur) d’établir le contraire. La victime ne peut cependant pas se contenter de simples affirmations, aussi cohérentes et plausibles soient-elles, mais devra apporter des éléments de preuve concrets. Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, mais en pratique les témoignages joueront un rôle clef. Toutefois, les actes de harcèlement sexuel sont souvent commis à l’abri du regard, de sorte que la victime ne pourra s’appuyer sur aucun témoin oculaire.
Comment le salarié est-il protégé contre le harcèlement sexuel ?
Tout harcèlement sexuel est à l’évidence interdit. Cette interdiction ne s’adresse pas seulement à l’employeur (chef d’entreprise/supérieur hiérarchique), mais également à tout salarié, client ou fournisseur de l’entreprise.
Les statuts des fonctionnaires communaux et d’État précisent explicitement que le fonctionnaire doit s’abstenir de tout fait de harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail.
En outre, la loi protège contre toutes formes de représailles et de sanction ceux qui protestent ou opposent un refus à des actes ou comportements de harcèlement sexuel, ainsi que ceux qui ont témoigné dans ce contexte. Si l’employeur devait licencier un salarié du secteur privé à titre de représailles, ce salarié pourra dans les 15 jours saisir le Président de la juridiction du travail pour faire constater la nullité de la résiliation de son contrat de travail et obtenir son maintien ou sa réintégration dans l’entreprise. Dans le secteur public, il est précisé que le fonctionnaire ne peut pas faire l’objet de représailles ni en raison des protestations ou refus opposés à un acte ou comportement contraire au principe de l’égalité de traitement, ni en réaction à une plainte formulée ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l’égalité de traitement.
Quelle est la responsabilité de l’employeur ?
La prévention et la sensibilisation
La loi oblige l’employeur à prendre toutes les mesures de prévention nécessaires pour assurer la protection de la dignité de toute personne à l’occasion des relations de travail. Le Code du travail précise que parmi les mesures à prendre par l’employeur doit obligatoirement figurer des mesures d’information. Pour le surplus, l’employeur est libre dans le choix des moyens qu’il met en œuvre, ces moyens pouvant inclure des formations.
Dans le cadre des mesures de prévention, le délégué à l’égalité, ou le cas échéant la délégation du personnel, est également appelé à intervenir pour veiller à la protection des salariés contre le harcèlement sexuel ; il peut proposer à l’employeur toute action de prévention qu’il juge nécessaire.
L’employeur devra faire passer deux messages essentiels à son personnel : il doit signaler aux victimes qu’il prend au sérieux les problèmes de harcèlement et qu’elles peuvent s’adresser à leur hiérarchie en toute confiance, et il doit signaler à tous les salariés qu’il n’hésitera pas à prononcer des sanctions contre les harceleurs.
La gestion et l’instruction des plaintes
La loi ne fournit aucune précision quant aux modalités de la gestion des plaintes et n’oblige pas à mettre en place une procédure spécifique. Étant responsable envers les salariés victimes de harcèlement, l’employeur est cependant obligé d’être à leur écoute. Le chef d’entreprise peut assumer lui-même cette mission ou déléguer une personne de son choix pour gérer les plaintes en matière de harcèlement sexuel. Si la victime s’adresse à un de ses supérieurs hiérarchiques, ce dernier doit prendre en mains le problème ou du moins faire suivre la plainte par une autre personne compétente.
De manière générale, l’employeur saisi d’une plainte doit dans un premier temps l’instruire et ne peut ni la rejeter ni l’accepter d’office. Il devra recueillir les informations nécessaires pour se former une opinion et entendre tant la victime que la personne accusée de manière neutre et impartiale. Il veillera également au respect de la discrétion nécessaire au cours de la procédure afin qu’elle ne nuise ni au salarié qui s’est déclaré victime, ni au salarié qui a été dénoncé. En matière d’atteintes à l’intégrité sexuelle, les torts causés par une accusation injustifiée peuvent être désastreux.
La sanction à l’égard du harceleur et la protection de la victime
Le Code du travail oblige l’employeur à veiller à ce que tout harcèlement sexuel dont il a connaissance cesse immédiatement. Il a été précisé ci-avant que les victimes d’un harcèlement sexuel ne doivent pas de ce chef faire l’objet de représailles. Par conséquent, les mesures prises par l’employeur ne pourront qu’exceptionnellement affecter la victime, ne doivent pas prendre la forme d’une sanction et nécessitent en principe l’accord de la victime. Selon la loi, ce n’est dès lors pas la victime qui doit être éloignée de son agresseur, mais l’agresseur qui doit être éloigné de la victime.
La loi ne précise pas quelles sanctions l’employeur peut prendre envers les auteurs d’un harcèlement sexuel. Les règles ordinaires du droit disciplinaire s’appliqueront, et l’employeur devra choisir une sanction adaptée à la gravité des faits. Une des finalités essentielles de la sanction est de dissuader l’auteur de récidiver, que ce soit au préjudice de son ancienne victime ou d’une nouvelle victime. Dans des cas de moindre gravité, l’employeur pourra ainsi se contenter de sanctions telles qu’une entrevue, un avertissement ou une réaffectation ayant pour but d’éloigner l’auteur de la victime. Souvent, les cas de harcèlement sexuel sont cependant d’une gravité telle qu’ils ouvrent la possibilité pour l’employeur de se séparer de son salarié, soit par un licenciement avec préavis, soit par un licenciement avec effet immédiat.
L’ensemble de ces mesures prises par l’employeur, que ce soit un changement dans les conditions de travail ou une résiliation du contrat, devront se faire dans le respect des procédures et formalités imposées par le Code du travail. L’employeur doit garder en outre à l’esprit que le harceleur peut contester la sanction qui a été prononcée à son encontre et que l’employeur devra dès lors établir les faits de harcèlement. Dans l’administration de cette preuve, la victime jouera un rôle clef.
Quels sont les moyens d'action de la victime ?
Prendre conseil
Le salarié victime d’actes de harcèlement sexuel pourra dans un premier temps prendre conseil, afin qu’un regard extérieur et neutre soit jeté sur sa situation et pour s’informer sur ses moyens d’action.
La victime pourra notamment s’adresser aux personnes suivantes :
son supérieur hiérarchique ou le responsable des ressources humaines ;
la personne éventuellement désignée au sein de l’entreprise/administration pour prendre en charge les problèmes de harcèlement ;
les représentants du personnel, notamment les délégués du personnel, qui pourront servir d’assistants ou d’intermédiaires dans les discussions avec l’employeur. La loi précise clairement que les délégués, et notamment le délégué à l’égalite sont appelés à conseiller le salarié et peuvent l’accompagner et l’assister dans toutes les entrevues avec l’employeur qui ont lieu dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement sexuel ;
le médecin du travail, qui a des possibilités pour accéder à l’entreprise et donner des conseils à l’employeur quant à un aménagement du poste de travail ;
l’Inspection du travail et des mines, qui est explicitement chargée de veiller à l’application des dispositions relatives au harcèlement sexuel dans le secteur privé ;
un syndicat ou un avocat qui procédera à une analyse juridique du problème ;
le Centre pour l’égalité de traitement peut également être saisi, puisque tout harcèlement sexuel est légalement assimilé à une discrimination fondée sur le sexe.
Quitter l’entreprise ou rester dans l’entreprise
Dans le secteur privé, si le dirigeant ou chef d’entreprise, c’est-à-dire la personne qui se trouve au sommet de la hiérarchie, est lui-même l’auteur du harcèlement, la victime a peu de moyens pour agir en interne et n’aura souvent d’autre choix que de quitter l’entreprise. Si un collègue, un supérieur hiérarchique ou un tiers est l’auteur des actes harcelants, tout dépendra de la réaction de l’employeur suite à la plainte de la victime. Si l’employeur intervient pour aider la victime et sanctionner l’auteur, rien ne s’oppose au maintien de la relation de travail. Si l’employeur décide de ne pas intervenir, il sera difficile pour la victime de continuer à travailler dans l’entreprise. Il est souvent illusoire de vouloir introduire un procès contre son employeur tout en maintenant la relation de travail. Il faut savoir également que la victime n’a aucun moyen pour contraindre l’employeur à prendre des sanctions envers l’auteur du harcèlement.
Si la victime décide de quitter l’entreprise, elle peut le faire d’un commun accord avec l’employeur ou en donnant sa démission. Dans le premier cas, elle ne sera pas considérée comme chômeur involontaire et ne pourra dès lors pas bénéficier des indemnités de chômage. Dans le second cas, elle pourra saisir le Président du Tribunal du travail et demander que les indemnités de chômage lui soient attribuées par provision. Le juge procèdera à une analyse sommaire du dossier et s’il estime qu’il y a une apparence de régularité de la démission, il ordonnera l’admission provisoire du salarié aux indemnités de chômage. En formulant cette demande, le salarié s’oblige à agir en justice contre son employeur pour qu’une décision au fond soit prise quant aux actes de harcèlement sexuel dont il a été victime. Le salarié doit être conscient que s’il perd ce procès, il sera obligé de rembourser tout ou partie des indemnités de chômage qu’il a perçues.
Quelles sont les sanctions possibles ?
Les dommages-intérêts
La victime, qu’elle travaille dans le secteur public ou privé, peut agir en responsabilité pour obtenir indemnisation du préjudice qu’elle a subi du fait d’avoir été sexuellement harcelée. Le préjudice subi par la victime sera essentiellement de nature morale. Un tel procès peut s’avérer long et fastidieux, et le résultat reste incertain.
L’action judiciaire pourra se diriger contre l’auteur direct du harcèlement ou contre l’employeur.
Lorsqu’elle est dirigée contre l’employeur, non en sa qualité d’auteur, mais en sa qualité de supérieur hiérarchique, le reproche visera l’inaction fautive de l’employeur face à la détresse de la victime ; cela suppose que l’employeur ait été au courant du harcèlement, et donc que la victime ait porté plainte auprès de ses supérieurs.
Si la victime a démissionné avec effet immédiat pour faute de l’employeur, elle pourra, outre son préjudice moral, réclamer indemnisation de son préjudice matériel du fait qu’elle a dû quitter son emploi et s’est ainsi retrouvée sans revenus ou avec des revenus amoindris.
La plainte pénale
À côté de la voie civile, la voie pénale peut être envisagée. En effet, le Code pénal protège par de multiples incriminations l’intégrité sexuelle des personnes, de sorte que souvent les faits qui au civil constituent un harcèlement sexuel, constituent également une infraction pénale. Entrent notamment en ligne de compte les infractions suivantes :
le viol, défini de manière très large comme étant tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature et par quelque moyen que ce soit ;
l’attentat à la pudeur, qui couvre toute action physique contraire au sentiment commun de la pudeur, entreprise sur une autre personne, comme par exemple le fait de dévêtir quelqu’un de force ou de le toucher à des endroits inappropriés ;
l’outrage aux bonnes mœurs, englobant toutes actions qui blessent la pudeur, par exemple l’envoi de courriers électroniques à caractère pornographique.
Si une telle infraction est constituée, la victime pourra décider d’emprunter la voie pénale, notamment en portant plainte auprès de la police. Cette manière de procéder présente l’avantage qu’elle obtient le concours de la police, qui mènera une enquêtée disposera de moyens plus étendus pour établir la vérité que si la victime se retrouvait seule à rapporter la preuve du harcèlement sexuel dont elle a été victime.
Publication CSL
La discrimination sur le lieu de travail
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