Publié le 26 avril 2024

La CSL critique le projet sur la relance du marché du logement

Le 24 avril 2024, l’assemblée plénière de la Chambre des salariés (CSL), présidée par Madame Nora Back, a adopté à l’unanimité son avis concernant le projet de loi portant introduction d’un paquet de mesures en vue de la relance du marché du logement.

Au vu de la chute de l’activité dans les secteurs de la construction résidentielle et de l’artisanat, une intervention politique courageuse s’avère indispensable afin d’éviter que le déséquilibre entre production en logements et croissance démographique s’exacerbe tout en empêchant les pertes d’emploi dans les secteurs économiques concernés.

Cependant, bien que la CSL reconnaisse la nécessité de relancer ces secteurs dans le but d’augmenter de manière durable la production annuelle en logements, sa position par rapport au paquet de mesures proposées demeure très mitigée.

D’un côté, notre Chambre salue toutes les dispositions visant une relance des secteurs concernés soit à travers une multiplication des investissements dans le logement abordable public, condition sine qua non d’une lutte soutenable contre la crise du logement, soit via une majoration du soutien financier accessible aux propriétaires-occupants respectivement aux primo-acquéreurs lors de l’acquisition d’une résidence principale.

En effet, nous sommes d’avis que le ralentissement de l’activité du secteur de la construction résidentielle devrait être perçu comme une opportunité pour rendre le marché immobilier – fortement dysfonctionnel sur la dernière décennie – plus social, inclusif et équilibré.

Ainsi, nous saluons l’annonce d’un programme d’acquisition publique de projets en vente  d’état futur d’achèvement (VEFA) respectivement les modifications apportées aux conditions d’éligibilité à la vente subventionnée (vente abordable et vente à coût modéré) respectivement la location abordable. En outre, nous soutenons la majoration des différentes aides accessibles aux propriétaires-occupants – hausse temporaire du crédit d’impôt dit « Bëllegen Akt », majoration du montant maximal de la déductibilité fiscale des intérêts débiteurs correspondant à l’habitation occupée par le propriétaire, ainsi que les nombreuses adaptations apportées au régime des aides individuelles au logement qui visent notamment l’élargissement du cercle des bénéficiaires potentiels respectivement une hausse du niveau des aides (prime d’accession à la propriété, subvention d’intérêt, garantie de l’État, etc.).

Toutefois, de l’autre côté, nous rejetons strictement toute extension des avantages fiscaux accessibles aux investisseurs-bailleurs, instruments coûteux à fort effet régressif dont l’efficacité sur les dernières décennies n’a fait l’objet d’aucune évaluation systématique justifiant leur réintroduction. Dans ce contexte, nous soulignons qu’il faut éviter à tout prix que les investisseurs dominent le marché des VEFA et que le degré de concentration de la propriété immobilière dans les mains d’une couche sociale privilégiée augmente, d’autant 2/2 plus que les inégalités patrimoniales sans cesse croissantes sont elles-mêmes vecteur de la crise du logement ! En outre, nous signalons que ces mesures fiscales risquent de créer un effet d’aubaine en étant partiellement, voire intégralement captées par les promoteurs à travers des hausses de prix et que rien ne garantit qu’elles auront un quelconque effet positif sur le nombre de logements créés à moyen terme.

Par conséquent, nous refusons strictement l’introduction d’un « crédit d’impôt location » ainsi que la réintroduction temporaire du taux d’amortissement accéléré de 6%, et cela d’autant plus que la version proposée par les auteurs profiterait, parmi les investisseursbailleurs, de facto de manière exclusive et totalement disproportionnée aux investisseurs les plus riches.

En sus, nous pointons du doigt l’existence d’une série de barrières structurelles qui limitent de facto artificiellement la croissance du parc immobilier résidentiel luxembourgeois et qui sont par conséquent les véritables coupables de la crise du logement. En effet, en dépit de l’essor du marché immobilier sur la dernière décennie, force est de constater que ce succès de l’investissement dans la pierre (ayant provoqué une envolée regrettable des prix) n’a pas provoqué une hausse suffisante au niveau de l’offre de logements qui s’est avérée, quant à elle, relativement peu élastique.

La barrière primaire à une augmentation structurelle de la production en logements est l’accès difficile et très coûteux au foncier constructible. En effet, la structure oligopolistique du marché du foncier constructible au Luxembourg favorise les comportements spéculatifs de la part des grands propriétaires terriens ainsi que la rétention foncière, phénomènes qui pèsent lourdement sur l’évolution du prix du foncier, ainsi que sur le volume et le prix de la production en logements.

Par conséquent, nous demandons une forte augmentation de l’imposition récurrente de la multipropriété immobilière (dont notamment la propriété immobilière retenue), à travers l’introduction d’un impôt foncier actualisé et progressif, ainsi que la mise en œuvre des impôts à la mobilisation de terrains (IMOB) et sur la non-occupation de logements (INOL).

Finalement, notre Chambre constate que les locataires sur le marché privé, largement surreprésentés parmi les ménages les plus vulnérables, sont les grands perdants du paquet proposé, situation d’autant plus inquiétante en raison de l’inaction des gouvernements successifs en ce qui concerne l’introduction d’un plafonnement efficace des loyers. Par conséquent, vu la hausse continue des loyers qui dépassent de plus en plus le pouvoir d’achat des locataires moins aisés et considérant le sous-développement chronique du parc public abordable, nous réclamons une fois de plus une réforme ambitieuse de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation qui devrait viser, en première ligne, un réalignement des loyers maximums légaux au pouvoir d’achat des locataires.