Une loi du 16 mai 2023 protège, désormais, les personnes qui signalent une violation légale dans un contexte professionnel.

À noter : Cette loi n’affecte pas les règles relatives à l’exercice par les travailleurs de leur droit de consulter leurs représentants ou leurs syndicats, et à la protection contre toute mesure préjudiciable injustifiée suscitée par une telle consultation, ainsi qu’à l’autonomie des partenaires sociaux et à leur droit de conclure des conventions collectives.

Quels types de signalement sont visés ?

Sont visés les signalements portant sur des violations de la loi dans un contexte professionnel, que ce soit dans le cadre d’une relation de travail en cours, à venir ou qui a déjà pris fin.

Qu’est-ce qui peut être signalé ?

Peuvent être signalées, les « violations », càd. les actes ou omissions qui :

  • sont illicites ; ou
  • vont à l’encontre de l’objet ou de la finalité de règles légales nationales ou européennes d’application directe.

L’auteur du signalement peut fournir des « informations sur des violations », càd des informations, y compris des soupçons raisonnables, concernant des violations effectives ou potentielles, qui se sont produites ou sont très susceptibles de se produire dans l’organisation dans laquelle l’auteur du signalement travaille ou a travaillé ou dans une autre organisation avec laquelle l’auteur du signalement est ou a été en contact dans le cadre de son travail, et concernant des tentatives de dissimulation de telles violations.

Qui peut être auteur d’un signalement ?

Toute personne qui a obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel, tels :

  • un salarié ;
  • un fonctionnaire ;
  • un travailleur indépendant ;
  • un actionnaire ou un membre de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise ;
  • un bénévole ;
  • un stagiaire ;
  • un salarié d’un cocontractant, d’un sous-traitant ou d’un fournisseur.

Qui est protégé par la loi ?

La loi protège :

  • l’auteur du signalement ;
  • le facilitateur, càd la personne physique qui aide un auteur de signalement au cours du processus de signalement dans un contexte professionnel et dont l’aide devrait être confidentielle ;
  • les tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement et qui risquent de faire l’objet de représailles dans un contexte professionnel, tels que des collègues ou des proches des auteurs de signalement et
  • les entités juridiques appartenant aux auteurs de signalement ou pour lesquelles ils travaillent, ou encore avec lesquelles ils sont en lien dans un contexte professionnel.

Quelles sont les conditions à remplir pour être protégé au sens de la loi ?

Les auteurs de signalement bénéficient de la protection prévue par la loi aux conditions :

  • qu’ils aient eu des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et que ces informations relèvent du champ d’application de la loi ; et
  • qu’ils aient effectué un signalement soit interne soit externe, ou aient fait une divulgation publique (voir les explications ci-après).

Les personnes qui ont signalé ou divulgué des informations sur des violations de manière anonyme, mais qui sont identifiées par la suite et font l’objet de représailles, bénéficient également de la protection prévue par la loi pour autant qu’elles répondent aux conditions prévues ci-avant.

Les personnes qui signalent auprès des institutions, organes ou organismes de l’Union européenne compétents des violations, bénéficient de la protection prévue par la loi dans les mêmes conditions que les personnes qui effectuent un signalement externe.

Quels sont les différents types de signalements prévus par la loi ?

La loi distingue les signalements effectués par le biais de canaux de signalement internes, par le biais de canaux de signalement externes auprès des autorités compétentes, ainsi que les divulgations publiques.

Signalements internes et signalements externes auprès des autorités compétentes

Signalements internes

Le signalement de violations par la voie interne doit au vœu de la loi être la procédure privilégiée lorsqu’il est possible de remédier efficacement à la violation en interne et qu’il n’y a pas de risque de représailles.

Cela signifie que de préférence, il faudra signaler la violation constatée auprès de la personne ou de la structure désignée au sein de l’entreprise ou de l’organisation concernée.

Pour effectuer un signalement auprès de la CSL, cliquez ici.

Signalements externes

Les autorités, qui sont indiquées ci-après, sont chargées de recevoir les signalements effectués par le biais de canaux de signalement externe, fournir un retour d’informations et assurer un suivi des signalements.

Sont ainsi compétents, en fonction de la problématique en cause :

  1. Commission de surveillance du secteur financier
  2. Commissariat aux assurances
  3. Autorité de la concurrence
  4. Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA
  5. Inspection du travail et des mines
  6. Commission nationale pour la protection des données
  7. Centre pour l’égalité de traitement
  8. Médiateur dans le cadre de sa mission de contrôle externe des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté
  9. Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher
  10. Institut luxembourgeois de régulation
  11. Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel
  12. Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg et l’Ordre des avocats du Barreau de Diekirch
  13. Chambre des notaires
  14. Collège médical
  15. Administration de la nature et des forêts
  16. Administration de la gestion de l’eau
  17. Administration de la navigation aérienne
  18. Service national du Médiateur de la consommation
  19. Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils
  20. Ordre des experts-comptables
  21. Institut des réviseurs d’entreprises
  22. Administration des contributions directes

Chacune de ces autorités doit mettre en place la procédure de signalement à utiliser pour effectuer un signalement auprès d’elle.

Dans l’exercice de leurs missions respectives, ces autorités peuvent demander, par écrit à l’entité visée par le signalement ou en cas de manquement aux obligations concernant les canaux de signalement interne, la communication de tous les renseignements qu’elles jugent nécessaires, et en veillant à la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement.

Les autorités compétentes visées aux points 1°, 2°, 4°, 6°, 12°, 13°, 14°, 19°, 20°, 21° et 22° ci-avant, peuvent prononcer une amende administrative à l’encontre des personnes physiques et morales :

  • qui entravent ou tentent d’entraver un signalement ;
  • qui refusent de fournir les renseignements prévus requis ou fournissent des renseignements incomplets ou faux ;
  • qui portent atteinte à la confidentialité dont jouissent les auteurs de signalements ;
  • qui refusent de remédier à la violation constatée ;
  • qui, n’établissent pas les canaux et les procédures pour le signalement interne et leur suivi requis par la loi.

Lorsque le signalement relève de la compétence d’une des autorités compétentes visées aux points 3°, 5°, 7°, 8°, 9°, 10°, 11°, 15°, 16°, 17° et 18° ci-avant, celles-ci le communiquent, après examen, à l’office des signalements, qui peut prononcer une amende administrative à l’encontre des personnes physiques et morales :

  • qui entravent ou tentent d’entraver un signalement ;
  • qui refusent de fournir les renseignements requis, ou fournissent des renseignements incomplets ou faux ;
  • qui portent atteinte à la confidentialité dont jouissent les auteurs de signalements ;
  • qui refusent de remédier à la violation constatée ;
  • qui n’établissent pas les canaux et les procédures pour le signalement interne et leur suivi requis par la loi.

L’amende peut aller de 1 500 euros à 250 000 euros. Le maximum de l’amende peut être doublé en cas de récidive dans les 5 ans à partir de la dernière sanction devenue définitive.

L’office des signalements, qui sera mis en place en décembre 2023, est compétent notamment pour aider un auteur de signalement à effectuer son signalement interne ou externe.

Les autorités compétentes qui reçoivent un signalement qui ne tombe pas sous leur champ de compétences, doivent transmettre de manière confidentielle et sécurisée le signalement à l’autorité compétente dans un délai raisonnable. Cette dernière informe sans retard l’auteur du signalement de cette transmission.

Les autorités compétentes sont obligées :

  • d’accuser réception des signalements rapidement et dans un délai de sept jours à compter de la réception du signalement, sauf demande contraire expresse de l’auteur du signalement ou à moins que l’autorité compétente ait des motifs raisonnables de croire qu’accuser réception du signalement compromettrait la protection de l’identité de l’auteur du signalement ;
  • d’assurer un suivi diligent des signalements ;
  • de fournir à l’auteur du signalement un retour d’informations dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois, ou six mois dans des cas dûment justifiés ;
  • de communiquer à l’auteur du signalement le résultat final des démarches auxquelles le signalement a donné lieu, sous réserve des informations tombant dans le champ d’application d’une obligation légale de secret pénalement sanctionnée ;
  • de transmettre en temps voulu les informations contenues dans le signalement aux institutions, organes ou organismes de l’Union européenne compétents.

Les autorités compétentes, après avoir dûment examiné la question, peuvent décider qu’une violation signalée est manifestement mineure et ne requiert pas d’autre suivi que la clôture de la procédure, sans préjudice d’autres obligations ou d’autres procédures applicables visant à remédier à la violation signalée.

Les autorités compétentes notifient à l’auteur de signalement leur décision et les motifs à son fondement.

Les autorités compétentes peuvent décider de clore la procédure en cas de survenance de signalements répétitifs qui ne contiennent aucune nouvelle information significative par rapport au signalement antérieur à propos duquel les procédures concernées ont été closes, à moins que de nouveaux éléments juridiques ou factuels ne justifient un suivi différent.

Dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de leurs missions respectives en vertu de la présente loi, les autorités compétentes coopèrent et se prêtent mutuellement assistance.

Règles communes aux signalements internes et externes – Devoir de confidentialité

L’identité de l’auteur du signalement ne doit pas être divulguée sans le consentement exprès de celui-ci à toute personne autre que les membres du personnel autorisés compétents pour recevoir des signalements ou pour en assurer le suivi. Cela s’applique également pour toute autre information à partir de laquelle l’identité de l’auteur du signalement peut être directement ou indirectement déduite.

Par dérogation, l’identité de l’auteur du signalement et toute autre information en rapport avec son signalement, peuvent être divulguées uniquement lorsqu’il s’agit d’une obligation nécessaire et proportionnée imposée par la loi modifiée du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression dans les médias ou le droit de l’Union européenne dans le cadre d’enquêtes menées par des autorités nationales ou dans le cadre de procédures judiciaires, notamment en vue de sauvegarder les droits de la défense de la personne concernée.

Néanmoins, dans ce cas, les auteurs de signalements sont informés avant que leur identité ne soit divulguée, à moins qu’une telle information ne risque de compromettre les enquêtes ou les procédures judiciaires concernées. Lorsqu’elle informe les auteurs de signalements, l’autorité compétente leur adresse une explication écrite des motifs de la divulgation des données confidentielles concernées.

Les autorités compétentes qui reçoivent des informations sur des violations qui comportent des secrets d’affaires n’utilisent pas ou ne divulguent pas ces secrets d’affaires à des fins allant au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un suivi approprié.

Divulgations publiques

Une personne qui fait une divulgation publique d’une violation bénéficie de la protection prévue par la loi si l’une ou l’autre des conditions suivantes est remplie :

  • la personne a d’abord effectué un signalement interne et externe, ou a effectué directement un signalement externe, mais aucune mesure appropriée n’a été prise en réponse au signalement dans le délai légal ;
  • la personne a des motifs raisonnables de croire que :
    • la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public, comme lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible ; ou
    • en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu’une autorité peut être en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation.

Quelles sont les mesures de protection de l’auteur de signalement ?

Interdiction de représailles

Toutes formes de représailles, y compris les menaces et tentatives de représailles, sont interdites à l’égard des personnes, en raison du signalement qu’elles ont effectué. Sont notamment interdits :

  • la suspension d’un contrat de travail, la mise à pied, le licenciement, le non-renouvellement ou la résiliation anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ou des mesures équivalentes ;
  • la rétrogradation ou le refus de promotion ;
  • le transfert de fonctions, le changement de lieu de travail, la réduction de salaire, la modification des horaires de travail ;
  • la suspension de la formation ;
  • les mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ;
  • la non-conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le salarié pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ;
  • la coercition, l’intimidation, le harcèlement ou l’ostracisme ;
  • la discrimination, le traitement désavantageux ou injuste ;
  • l’évaluation de performance ou l’attestation de travail négative ;
  • le préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou les pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu ;
  • la mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité;
  • la résiliation anticipée ou l’annulation d’un contrat pour des biens ou des services ;
  • l’annulation d’une licence ou d’un permis ;
  • l’orientation vers un traitement psychiatrique ou médical.

Les interdictions énoncées ci-avant s’appliquent également le cas échéant aux :

  • facilitateur, càd la personne physique qui aide un auteur de signalement au cours du processus de signalement dans un contexte professionnel et dont l’aide devrait être confidentielle ;
  • tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement et qui risquent de faire l’objet de représailles dans un contexte professionnel, tels que des collègues ou des proches des auteurs de signalement.

Les mesures de représailles sous les points 1 à 6, 12 et 13, si mises en place, sont nulles de plein droit.

La personne protégée peut demander, dans les 15 jours qui suivent la notification de la mesure, par un acte introductif d’instance, à la juridiction compétente de constater la nullité de la mesure et d’en ordonner la cessation.

La personne qui n’a pas invoqué la nullité de la mesure ou qui l’a invoquée et, le cas échéant, obtenu la nullité, peut encore exercer une action judiciaire en réparation du dommage subi.

Dans le cadre d’une procédure engagée devant une juridiction ou auprès d’une autorité compétente concernant un préjudice subi par l’auteur de signalement, et sous réserve que celui-ci établisse qu’il a effectué un signalement ou fait une divulgation publique et qu’il a subi un préjudice, il est présumé que le préjudice a été causé en représailles au signalement ou à la divulgation publique. Dans ce cas, il incombe à la personne qui a pris la mesure préjudiciable d’établir les motifs au fondement de cette dernière.

Mesures de protection contre les représailles

Lorsque des personnes signalent des informations sur des violations ou font une divulgation publique, elles ne sont pas considérées comme ayant enfreint une restriction à la divulgation d’informations et n’encourent aucune responsabilité d’aucune sorte concernant ce signalement ou cette divulgation publique pour autant qu’elles aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique de telles informations était nécessaire pour révéler une violation légale. La clôture de la procédure n’affecte pas les autres obligations ou les autres procédures applicables visant à remédier à la violation signalée.

Les auteurs de signalement n’encourent aucune responsabilité en ce qui concerne l’obtention des informations qui sont signalées ou divulguées publiquement, ou l’accès à ces informations, à condition que cette obtention ou cet accès ne constitue pas une infraction pénale autonome.

Dans les procédures judiciaires, y compris pour diffamation,violation du droit d’auteur,violation du secret, violation des règles en matière de protection des données ou divulgation de secrets d’affaires, ou pour des demandes d’indemnisation fondées sur le droit privé, le droit public ou le droit collectif du travail, les auteurs de signalement n’encourent aucune responsabilité du fait des signalements ou des divulgations publiques effectués au titre de la présente loi. Ces personnes ont le droit d’invoquer ce signalement ou cette divulgation publique pour demander l’abandon de la procédure, à condition qu’elles aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique était nécessaire pour révéler une violation légale.

Sont punies d’une amende de 1 250 à 25 000 euros, les personnes qui exercent des mesures de représailles ou qui intentent des procédures abusives contre les auteurs de signalement.

Mais attention : L’auteur d’un signalement qui a sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations, pourra se voir infliger une peine d’emprisonnement de huit jours à trois mois de prison et une amende de 1.500 euros à 50.000 euros.

La responsabilité civile de l’auteur d’un faux signalement peut être engagée. L’entité qui a subi des dommages peut demander réparation du préjudice subi devant la juridiction compétente.