Publié le 29 novembre 2022

En 2020, la Commission européenne a retenu parmi les douze actions de sa Stratégie européenne en matière de compétences une « initiative sur les comptes de formation individuels ».

Cette action s’est concrétisée en juin 2022, lorsque le Conseil de l’UE a émis une « Recommandation relative aux comptes de formation individuels » invitant tous les Etats membres à créer de tels comptes.

L’objectif est de soutenir les personnes dans leurs parcours d’apprentissage tout au long de la vie et de les aider à réussir leurs transitions sur le marché de l’emploi.

Les autorités nationales sont appelées à ouvrir un compte virtuel « … pour chaque personne en âge de travailler, que celle-ci exerce une activité salariée ou indépendante, une forme d’emploi atypique ou encore qu’elle soit au chômage ou inactive ».1

Le compte sera alimenté chaque année avec des droits à la formation individuels qui peuvent être accumulés et qui sont portables d’un emploi à l’autre ou entre des périodes d’emploi, de chômage ou inactivité.

Les comptes individuels ne sont pas destinés à remplacer des dispositifs de formation existants, mais à les compléter. Ainsi les Etas membres sont invités à travailler en étroite collaboration avec les partenaires sociaux pour concevoir un cadre facilitateur qui peut comprendre des congés-formation rémunérés, des services d’orientation et de validation des acquis, un catalogue public d’offres éligibles, etc.

Les comptes de formation individuels peuvent-ils utilement compléter le système d’aides à la formation luxembourgeois ?

Les systèmes d’apprentissage tout au long de la vie sont souvent axés sur le rôle de l’entreprise comme moteur de la formation. Leur défaut est de ne pas être inclusifs. Il est évident que les personnes au chômage ou en inactivité sont exclus du bénéfice de telles formations. S’y ajoute les actions de formation des entreprises s’adressent essentiellement aux salariés jeunes, à ceux qui ont déjà un niveau de formation élevé ou à ceux qui occupent des postes à responsabilités. L’accès inéquitable à la formation est une réalité au Luxembourg comme ailleurs.

À côté de la formation « corporate », il existe également un dispositif d’accès individuel à la formation. Il comprend un congé formation rémunéré, un congé sans solde et un modèle d’aménagement personnel du temps de travail. Toutefois, ces instruments qui ont pour objectif de permettre à l’individu d’accéder de sa propre initiative à une formation, sont tous tributaires de l’accord de l’employeur.

Si l’on analyse le système des aides financières au Luxembourg, on constate qu’il est très fragmentaire : les aides sont soit limitées à un public restreint − p.ex. aux demandeurs d’emploi −, soit à un type de formation particulier tel que les études universitaires. Ou elles se prêtent uniquement à la mise à jour de compétences en lien avec un poste déjà occupé, comme c’est le cas pour le dispositif de déductibilité fiscale.

Souvent les aides financières sont destinées à financer des formations courtes, mais celles-ci ne sont pas suffisantes pour permettre une réelle mise à niveau ou une reconversion majeure. Ces mesures des soutien ne garantissent donc pas la sécurisation des parcours professionnels sur le long terme.

Les comptes individuels de formation pourraient combler ces lacunes.

Ils se prêtent tant à la mise à niveau des compétences qu’à la reconversion professionnelle.

Ils permettent un accès à la formation professionnelle continue à tout moment de la vie selon les besoins et projets personnels des individus.

Ils permettent finalement d’atteindre les personnes peu qualifiées et les groupes à risque comme les femmes rentrantes ou les travailleurs âgés.

Pour assurer le succès des comptes de formation individuels, il faudrait mettre en place des mesures de soutien, comme des services d’information, de conseil et d’orientation. Les personnes intéressées devraient pouvoir se faire assister pour définir un plan formation ou de carrière.

Il faudrait également veiller à mettre en place un mécanisme d’assurance-qualité avec une certification des organismes de formation et des programmes pour éviter les abus.

L’introduction de comptes individuels soulève un certain nombre de questions.

Comment faut-il agencer le dispositif pour arriver à une véritable culture de l’apprentissage tout au long de la vie ?  Comment faire en sorte qu’il apporte une réponse aux défis actuels de la société et de l’économie, comme le déficit de compétences ?

Faut-il restreindre l’offre à des formations en adéquation avec les besoins du marché du travail ? Ou à des formations conduisant à une qualification reconnue ?

Monsieur Romain Lasserre, conseiller juridique auprès de la Confédération française Force Ouvrière, a donné des pistes de réflexion pour trouver des réponses à ces questions lors de la conférence sur le Compte personnel de formation organisée par la CSL/LLLC en date du 22 novembre dernier.

 

 

1  Commission européenne, Questions et réponses : Comptes de formation individuels et microcertifications, 10 décembre 2021