Quelle est la base légale ?

Les dispositions luttant contre la discrimination se concentrent dans les textes suivants :

  • les articles L.225-1 et suivants du Code du travail relatifs à l’égalité de salaire entre hommes et femmes ;
  • les articles L.241-1 et suivants du Code du travail pour les discriminations au travail fondées sur le sexe ;
  • les articles L.251-1 et suivants du Code du travail pour les discriminations fondées sur d’autres critères.

Il faut également renvoyer aux articles 454 et suivants du Code pénal, qui incriminent pénalement certains cas de discrimination.

Comment peut-on définir la discrimination ?

La discrimination porte atteinte à l’égalité entre salariés. La loi prohibe et sanctionne certains cas d’inégalité de traitement. Contrairement au cas de harcèlement, la victime d’une discrimination ne s’en rend pas nécessairement compte, puisqu’elle ne dispose pas des informations nécessaires. Une salariée peut par exemple travailler pendant des années sans jamais savoir qu’elle gagne moins que ses collègues masculins. Dans des cas d’une certaine gravité, ou lorsque le salarié se sent particulièrement affecté par la discrimination, celle-ci  peut cependant avoir un impact sur la santé tant physique que mentale.

Le traitement défavorable lié à des critères limitatifs

Le droit du travail luxembourgeois n’énonce pas de manière explicite un principe général d’égalité obligeant l’employeur à traiter de manière égale tous les salariés, et la jurisprudence ne semble pas s’engager dans cette voie. En d’autres termes, le salarié qui n’est pas traité de manière égale à un de ses collègues ne peut pas d’office contester cette décision et obliger l’employeur à justifier sa décision sur base de critères objectifs et sous le contrôle du juge.

Tout traitement inégalitaire n’est dès lors pas une discrimination au sens de la loi, même si, subjectivement, il peut être vécu comme tel par le salarié. Ne sont des discriminations au sens juridique que les différences de traitement qui se fondent sur un des critères limitativement énumérés par la loi.

La législation luxembourgeoise couvre les critères de non-discrimination suivants :

  • le sexe (donc le fait d’être un homme ou une femme), y compris la référence à l’état matrimonial ou familial, la grossesse et le congé de maternité, le changement de sexe ;
  • la religion ;
  • les convictions ;
  • l’orientation sexuelle ;
  • l’âge ;
  • le handicap ;
  • la nationalité ;
  • la race ;
  • l’ethnie.

Pour le volet pénal, le Code pénal complète cette liste par les critères de l’origine, de la couleur de peau, des mœurs, de la nation, des activités syndicales et de l’état de santé.

La discrimination directe et indirecte

La loi définit la « discrimination directe » comme étant la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur base d’un des critères énoncés ci-dessus.

Le cas type est celui dans lequel les femmes perçoivent pour un même poste de travail une rémunération inférieure à celle des salariés masculins. De même, commettrait une discrimination directe l’employeur qui rejetterait d’office toutes les candidatures de personnes âgées de plus de 50 ans.

Une « discrimination indirecte » se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre sont susceptibles d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un sexe, d’une religion ou de certaines convictions, d’un handicap, d’un certain âge ou orientation sexuelle, d’appartenance ou de non appartenance, vraie ou supposée, à une race ou ethnie données, par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soient objectivement justifiés par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires.

Ainsi par exemple, une règle défavorisant les salariés à temps partiel peut constituer une discrimination indirecte fondée sur le sexe, puisque statistiquement une nette majorité des salariés à temps partiel sont des femmes. De même, des différenciations fondées sur l’ancienneté peuvent s’analyser en discriminations indirectes fondées sur l’âge.

Quel est le champ d'application ?

Les règles de non-discrimination visent :

  • les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;
  • l’accès à tous les types et à tous les niveaux d’orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l’acquisition d’une expérience pratique du travail ;
  • les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que le salaire ;
  • l’affiliation à, et l’engagement dans, une organisation de salariés ou d’employeurs, ou toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d’organisation.

Quelles sont les exceptions en matière de discrimination ?

Un traitement discriminatoire peut être justifié dans certains cas prévus par la loi.

Ainsi, il est précisé que certains avantages légaux dont peuvent bénéficier les femmes enceintes ou les personnes handicapées ne sont pas à considérer comme discrimination. En matière de différenciation fondée sur l’âge, la loi admet certaines exceptions objectivement justifiées.

Une exception plus générale est encore prévue au niveau de l’embauche ; l’employeur peut opérer une discrimination si, en raison de la nature des activités professionnelles particulières concernées ou du cadre dans lequel elles se déroulent, la caractéristique spécifique (le sexe, l’âge etc.) du salarié constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée. L’exemple type cite dans ce contexte est l’embauche d’un artiste ou mannequin amené à incarner un rôle spécifique.

Enfin, la loi ouvre encore la possibilité, de mettre en place des mesures et actions de discrimination positive. Il s’agit d’avantages accordés à des salariés d’une catégorie pour les mettre sur un pied d’égalité avec les autres et lutter ainsi contre une inégalité de fait. En d’autres termes, le but de ces mesures est de réaliser une égalité des chances entre salariés par compensation. Le cas type de la discrimination positive est la mise en place de quotas (pour femmes, personnes âgées, personnes d’ethnies différentes etc.) au niveau de l’embauche, de l’accès à la formation, de la promotion etc. Ces mesures doivent par nature être temporaires. Pour les actions positives en faveur du sexe sous-représenté, le ministère de l’Égalité des chances peut intervenir pour valider et soutenir financièrement des projets d’actions positives. 

Quelles sont les responsabilités de l’employeur ?

Ceux qui doivent en premier lieu respecter les règles de non-discrimination sont à l’évidence ceux qui sont amenés à prendre les décisions affectant le salarié, donc l’employeur, le chef d’entreprise, ou les supérieurs hiérarchiques. Entre collègues de travail, il n’y a en principe pas de problèmes de discrimination puisqu’ils ne disposent pas d’un pouvoir de décision les uns sur les autres; les conflits qui peuvent se présenter prendront plutôt la forme d’un harcèlement, qui sera à qualifier de harcèlement discriminatoire si la victime est chicanée en raison de son sexe, de son âge, de sa religion etc.

L’obligation de l’employeur se limite toutefois à respecter le principe de non-discrimination ; il n’est pas obligé de prendre une part active pour réaliser une égalité de fait, les mesures de discrimination positive restant purement facultatives.

Des mesures de prévention et de sensibilisation ne sont pas explicitement exigées par la loi et sont ainsi laissées à la discrétion de chaque employeur.

Quels sont les moyens d'action de la victime ?

Si les cas de harcèlement conduisent généralement à un dommage moral dans le chef de la victime qui n’est jamais réparé de manière satisfaisante par l’allocation d’une certaine somme d’argent à titre de dédommagement, les cas de discrimination sont avant tout générateurs d’une perte financière (salaire inférieur, refus d’avancement etc.) qui peuvent plus facilement être réparés par des dommages-intérêts.

Dénoncer et prendre conseil

Le salarié, qui s’estime victime d’une discrimination peut s’adresser à son employeur, à son supérieur hiérarchique ou à la délégation du personnel pour la dénoncer. Il a un droit à la réclamation en ce sens qu’il ne doit pas subir de représailles en raison de sa plainte.

Tout employeur sera obligé d’analyser la plainte avec sérieux et, lorsqu’il arrive à la conclusion qu’il y a discrimination, de redresser la situation en accordant au plaignant les avantages dont il a été injustement privé.

Le salarié a également la possibilité de s’adresser aux délégués du personnel qui pourront servir d’assistants ou d’intermédiaires dans les discussions avec l’employeur. Le recours aux services d’un syndicat ou d’un avocat permet également d’élucider la situation juridique. La loi accorde aux syndicats et à certaines associations la possibilité d’agir en justice contre l’employeur, à condition que le salarié dont ils défendent les droits ne s’y oppose pas. L’État luxembourgeois a par ailleurs mis en place un organisme indépendant chargé de la lutte contre les discriminations, à savoir le Centre pour l’égalité de traitement (C.E.T.). La victime d’une discrimination pourra y prendre conseil et recueillir des informations. Les prérogatives et moyens d’action du C.E.T. face aux employeurs et administrations restent cependant limités.

L’Inspection du travail et des mines est également chargée de veiller au respect des règles de non-discrimination et peut assumer un rôle de médiation, voire intervenir d’autorité auprès de l’employeur, soit d’office, soit à la suite d’une plainte.

Agir contre la décision discriminatoire

La victime a la possibilité de déposer plainte auprès de la police pour discrimination, puisque dans de nombreux cas, le traitement dont elle fait l’objet pourra être qualifié de délit de discrimination au sens du Code pénal.

Pour le seul cas d’une discrimination en matière de rémunération fondée sur le sexe, c’est-à-dire le cas dans lequel les hommes ou les femmes subissent des désavantages au niveau de leur salaire, la loi prévoit à titre de sanction que l’employeur est obligé d’augmenter les salaires du groupe défavorisé au niveau des salaires du groupe favorisé.

Pour tous les autres cas de discrimination, la loi prévoit comme seule sanction la nullité de la clause ou décision prise par l’employeur. La nullité n’est cependant pas une solution adéquate dans toutes les situations, puisqu’elle risque de laisser un vide juridique. Selon les cas, la nullité peut faire en sorte que la situation discriminante est redressée non pas en accordant aux travailleurs traités défavorablement les avantages dont ils ont été privés, mais en enlevant ces avantages à tous.

Pour les discriminations passées, le salarié pourra exiger de la part de l’employeur des dommages-intérêts à hauteur de la perte financière qu’il a subie du fait d’être désavantagé. Ces indemnités pourront le cas échéant être complétées par une somme destinée à réparer le préjudice moral du salarié qui a souffert psychologiquement du fait d’avoir été traité différemment en raison d’une de ses caractéristiques personnelles.

L’action du salarié se voit facilitée du fait qu’il bénéficie d’un allégement de la charge de la preuve.

Il lui suffit de rapporter des éléments de preuve permettant de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; il incombera ensuite à la partie adverse (donc en général à l’employeur) de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

Une question délicate qui n’est pas encore résolue par la jurisprudence luxembourgeoise, est celle de l’admissibilité d’une preuve rapportée par un testing. Il s’agit des cas dans lesquels une victime ou une association de défense des victimes de discrimination expose l’employeur à des situations fictives, par exemple en envoyant un grand nombre de candidatures qui se différencient sur un critère central tel l’âge ou le sexe, pour voir comment il réagit et en déduisent une attitude discriminante de sa part.

Publication CSL

La discrimination sur le lieu de travail

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