Publié le 18 novembre 2024

La Chambre des salariés rejette le projet de loi concernant le travail dominical

Le 14 novembre 2024, l’assemblée plénière de la Chambre des salariés (CSL) a adopté à l’unanimité son avis concernant le projet de loi sur le travail dominical. L’avis de la CSL rejette ce projet de loi, qui a été élaboré sans respect du dialogue social et sans respect des salariés concernés, puisqu’il va nuire à leurs conditions de travail et de rémunération.

Ce projet de loi constitue la mise en oeuvre, dans le secteur du commerce de détail, de l’accord de coalition du Gouvernement, qui avait annoncé une réforme du Code du travail « afin de permettre aux salariés de travailler jusqu’à huit heures le dimanche tout en maintenant la majoration de salaire à l’ensemble des heures prestées ».

La CSL est consciente que dans certains secteurs travailler le dimanche est indispensable, mais cela ne l’est pas dans le secteur de la vente de détail. Les salaires dans ce secteur sont déjà très bas et de nombreux salariés souhaitent passer leur dimanche ensemble avec leur famille. Or, le travail dominical nuit à l’équilibre de la vie privée-professionnelle. Il est donc préférable que le travail dominical soit négocié dans le cadre de conventions collectives de travail, avec les syndicats en garde-fous et avec le souci de préserver l’intérêt des salariés concernés.

Ainsi encadré, le travail dominical n’est ni banalisé par les employeurs, ni subi par les salariés du secteur, mais choisi en connaissance de cause et compensé par des majorations appréciables.

Ce projet de loi représente bien le contraire : il permettra aux employeurs d’occuper d’office leurs salariés 8 heures le dimanche sans compensation autre que celles prévues par la loi et sans avoir à négocier une convention collective. Il ouvre non seulement la voie à une possible libéralisation des heures d’ouverture, mais affaiblit aussi considérablement les conventions collectives de travail dans un secteur qui dispose d’un faible taux de couverture (38% selon les derniers chiffres).

Ce projet de loi est par conséquent en contradiction flagrante avec la prétendue volonté du ministre du Travail d’augmenter les conventions collectives, comme avec l’obligation d’augmenter le taux de couverture des conventions collectives telle que le prévoit la directive européenne sur un salaire minimum adéquat.

La CSL craint que ce projet de loi constitue la base d’une libéralisation complète des heures d’ouverture des magasins dans une étape ultérieure.

Il existait déjà depuis longtemps la possibilité de supprimer la limite de 4 heures par le biais d’une convention collective, et ce, uniquement pour les salariés qui étaient d’accord, et en général contre une majoration de la prime dominicale. C’est ainsi que l’on a veillé de manière pragmatique à ce que le dimanche reste un jour particulier. Avec ce projet, le dimanche deviendra un jour comme les autres. La prochaine étape consistera probablement à remettre en question la majoration du salaire dominical – et d’autres domaines suivront

En général, le travail dominical est directement lié à l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, à la qualité de vie, à la santé.

Pour de nombreuses personnes, le dimanche est le jour où elles peuvent passer du temps avec leur famille, faire du sport, des excursions, des activités culturelles ou encore s’adonner au bénévolat.

En outre, ce projet de loi n’en souffle mot des nombreux problèmes liés au travail dominical qui seront intensifiés. Par exemple, de nombreux salariés du commerce sont des femmes, dont certaines élèvent seules leurs enfants. Faire garder leurs enfants le dimanche alors qu’elles doivent travailler est tout sauf dans l’intérêt d’un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée. De plus, le dimanche, les salariés n’ont pas facilement accès à des structures d’accueil pour faire garder leurs enfants. Ceci posera évidemment un problème encore plus grand aux familles monoparentales.

Aussi, les auteurs du projet ne semblent pas avoir vérifié si les transports en commun sont à ce jour adaptés et suffisamment déployés pour permettre aux salariés de ce secteur de rejoindre leur lieu de travail le dimanche.

Et tout cela sans même parler des désavantages concurrentiels qui se poseront aux petits commerces face aux grandes surfaces commerciales, des études sociologiques qui démontrent que le travail dominical a peu/pas d’utilité sociale, etc.

Si, par impossible, ce projet de loi devait être adopté, alors le cadre légal global doit être revu pour protéger davantage les salariés.

La CSL est navrée de cette décision unilatérale de libéraliser le travail dominical dans le secteur du commerce de détail, dont les salariés comptent déjà parmi les plus vulnérables sur le marché du travail, ce sans discussion avec leurs représentants et donc au mépris du dialogue social, bafouant le rôle des syndicats à plusieurs égards.

La question du travail dominical devrait faire l’objet d’une discussion globale sur tous les éléments touchant à l’organisation du temps de travail. En effet, si le gouvernement compte réellement moderniser le temps de travail, dans le sens d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et familiale des salariés, il faut absolument adopter une approche cohérente et globale.

Au vu des commentaires formulés dans son avis, la CSL n’a pas été en mesure de marquer son accord au projet de loi sous avis.